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Science, patience et cohérence : ce qu’est vraiment l’éducation positive

L’expression « éducation positive », pourtant loin d’être nouvelle, est encore extrêmement mal comprise en 2025. On l’assimile à de la permissivité et à une absence totale de contraintes. On accorde une valeur morale au mot « positif », alors même qu’il ne s’agit initialement que d’un terme scientifique.


Remettons l’église au milieu du village : quelqu’un de permissif, qui laisse son chien tout faire sans s’interroger sur le potentiel impact négatif que cela peut avoir sur l’entourage du chien et sur le bien-être de l’animal lui-même, ne pratique pas l’éducation positive. Il n’éduque tout simplement pas. « Éducation positive » ne rime absolument pas avec anarchie à la maison, absence d’interdictions, et refus d’instaurer un cadre cohérent.


Rappelons-le : le terme « positif » n’a aucune valeur morale, il ne signifie pas que ce que l’on fait est bien. Il signifie simplement que l’on emploie au maximum le renforcement positif dans l’éducation que l’on donne à son chien, donc que l’on ajoute quelque chose d’agréable quand il présente le comportement souhaité : une récompense alimentaire, une petite session de jeu partagé, ou tout simplement, l’accès à ce qui est convoité à l’instant T (aller voir un congénère, obtenir une gamelle d’eau après un rappel en promenade, etc).


Mais éduquer « en positif », ce n’est certainement pas distribuer des Knackis jusqu’à l’écœurement. C’est une façon de faire qui demande de la réflexion. Il faut connaître les schémas de renforcement qui sont complexes, prendre conscience qu’un chien peut aussi trouver qu’une activité est plus payante en soi que l’alternative qu’on lui propose, être conscient de processus tels que le pic d’extinction ou l’usage aléatoire des renforçateurs. Pratiquer sur le terrain, c’est bien, mais ouvrir un ouvrage scientifique est indispensable à un moment ou à un autre si l’on souhaite bien comprendre comment l’animal apprend. L’inverse est également vrai : on peut potasser autant qu’on veut, mais l’expérience de terrain est capitale pour se rendre compte de la complexité de l’application des méthodes d’éducation positives.


Car oui, c’est complexe. L’éducation positive demande une remise en question permanente, tout au long de la vie de l’entraîneur/euse. Pourquoi un comportement perdure alors qu’on fait tout pour que le chien en propose un autre ? Le renforçateur que l’on a proposé au chien à un instant T n’a-t-il pas augmenté la probabilité d’apparition du comportement « indésirable » plutôt que de l’avoir diminué ? Si mon chien aboie après le facteur et que je le rappelle et le récompense, ne risque-t-il pas d’aboyer de plus belle pour que je le fasse venir à moi et lui propose une friandise ? Éduquer « en positif », c’est se faire des noeuds au cerveau en permanence et se réveiller la nuit pour réfléchir à la meilleure façon de faire disparaître un comportement au profit d’un autre. Mais c’est justement ce qui est passionnant !


Il peut être en effet tentant de faire peur ou mal au chien quand il produit un comportement indésirable. C’est un parfait renforçateur pour l’humain qui décharge ses émotions négatives sur l’animal. Et il ne faut pas se mentir, bien souvent, ça marche. C’est rapide et efficace… à court terme. En revanche, les dégâts psychologiques des méthodes d’éducation basées sur la peur et la douleur, elles, perdurent dans le temps. Et faire disparaître un comportement n’indique pas au chien ce qu’il doit faire à la place. Donner une saccade sur le cou du chien ne lui enseigne rien, si ce n’est à s’inhiber et à ne plus produire de comportement susceptible de causer une saccade. Cela ne lui fait comprendre aucunement ce qu’on attend de lui : marcher en laisse détendue. Alors même que c’est un comportement relativement simple à enseigner, avec une bonne gestion des renforçateurs.


L’éducation positive consiste aussi à placer le chien en situation de réussite afin de favoriser son apprentissage. Imaginez que vous preniez votre premier cours de tennis avec un professeur qui vous propose un exercice beaucoup trop difficile pour un débutant et ne cesse de répéter que vous êtes nul. Auriez-vous envie de poursuivre l’apprentissage ? Si, au contraire, votre professeur vous propose un exercice simple adapté à votre condition de novice, qu’il augmente la difficulté très progressivement et qu’il vous félicite pour vos efforts, vous gagneriez en confiance en vous et vous montreriez doublement motivé pour la suite.


Pour conclure, éduquer « en positif », ce n’est absolument pas être laxiste. On peut dire « Non », on peut interdire l’accès au fauteuil, on peut faire comprendre au chien qu’il n’a pas le droit de monter à l’étage, l’essentiel étant d’utiliser des méthodes comprises par le chien, non aversives, et de lui indiquer quel comportement de substitution il peut adopter. C’est aussi éviter d’employer la contrainte physique, mais dans certains contextes d’urgence (contention pour un soin douloureux, séparation de deux chiens qui se battent, chien qui mord un mouton au troupeau), on ne va évidemment pas s’amuser à lancer des croquettes ! Éduquer « en positif », cela ne veut pas dire que l’on vit dans un monde où tout est rose. En revanche, c’est essayer, malgré les difficultés du quotidien, de respecter le bien-être physique et mental du chien selon des critères objectifs, et en prenant en compte les dernières avancées de la science et pas les mythes poussiéreux qui font tant de mal à nos toutous aujourd’hui.


(Il est souvent demandé aux éducateurs/trices qui emploient essentiellement le R+, de « prouver leurs capacités » en montrant des vidéos de leur travail. Il y en a plein sur mon mur, et de plus en plus d’éducateurs/trices qui travaillent dans le respect du chien mettent en ligne des vidéos de rééducation de chiens réactifs en R+. N’hésitez pas à aller regarder leur travail !)


Elsa Weiss / Cynopolis

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