Pourquoi le travail sur troupeau peut être déstabilisant pour les conducteurs novices (Partie 1)

Le travail sur troupeau est souvent déstabilisant pour les conducteurs débutants. Il est très courant que je discute avec des propriétaires de chiens de race bergère ayant essayé le troupeau avec leur chien, et me demandant mon avis sur les méthodes employées par le formateur ou la formatrice qui leur a fait découvrir ce travail. Je vous propose un petit point pour permettre de mieux comprendre certains aspects du travail sur troupeau.

👉 Le concept de « pression » est souvent mal compris :

Bien souvent, les propriétaires de chiens débutants sont perturbés par le concept de « pression » appliqué dans le travail sur troupeau. Ce qu'il faut comprendre, c'est que le travail sur troupeau, c'est un ensemble de forces physiques : le chien exerce une pression sur les moutons par sa présence, et les moutons, eux, exercent une force d'attraction sur le chien (ils sont un renforçateur intrinsèque). Le conducteur doit contrebalancer la force d'attraction des moutons sur le chien en exerçant lui-même une pression passive ou active, c'est à dire en gênant le chien dans certains déplacements -par exemple s'il fonce sur les moutons au lieu de les contourner- ou en lui rappelant sa présence par un « Hey ! », un frou-frou remué sous son nez ou en lui barrant la route afin qu'il apprenne qu'on ne peut pas approcher les moutons n'importe comment. Le concept de « pression » n'est pas à appréhender comme une façon de faire peur ou mal au chien. Le stick ou le frou-frou peuvent servir d'élément disruptif, c'est vrai, mais cela doit rester très ponctuel (sinon, à force d'associations, le bâton deviendrait un outil de punition positive et ce n'est pas le but !), et avant tout, ces outils sont des guidances, auquel le chien apprend à répondre comme le cheval qui apprend à répondre à la pression des jambes de son cavalier.

Le souci, c'est qu'il y a évidemment des dérives partout, et certains chiens deviennent stressés à la vue du bâton. Si c'est le cas, c'est terrible, car l'outil doit guider, pas punir. Le bâton ou le frou-frou, c'est comme le fait de lever un bras : le chien y accordera la valeur que vous y aurez placé. Quand je lève le bras, mon chien Sirius lève la patte, car mon bras a d'abord été une guidance à ses yeux, qui l'a aidé à comprendre quelle action j'attendais de lui -soit lever sa patte gauche pour faire « coucou »- puis est devenu le signal correspondant à ce comportement. D'autres personnes, en levant le bras, verront leur chien faire un écart parce qu'il aura déjà été frappé du plat de la main. Mes deux exemples sont un peu extrêmes, mais mon but est de vous rendre les choses plus claires. Au troupeau, c'est pareil : le bâton peut être un ami comme un ennemi, la façon dont on l'emploie est capitale. J'ajouterai que, pour ceux qui se demandent si le bâton est indispensable, oui, il l'est : quand on est berger, on ne peut que difficilement se passer d'un bâton, et ce dernier peut être d'une grande aide quand le chien se trouve loin et qu'il a besoin d'assistance pour comprendre ce qu'on attend de lui. Le bâton rend alors nos mouvements bien plus visibles. Il peut aussi aider un chien manquant d'impact à prendre de l'assurance dans une situation conflictuelle en poussant avec le bout du bâton le museau du mouton qui résiste. En revanche, quand on démarre un jeune chien qui ne présente pas de difficulté particulière et qui est très sensible, il est tout à fait possible de démarrer le travail sans bâton si ce dernier semble l'effrayer. On procèdera ensuite à une désensibilisation pour que le chien apprenne à travailler en sa présence.

👉 Il est difficile de monter un plan d'entraînement aussi fluide que dans d'autres disciplines :

Quand je travaille en « Do as I do » ou en obéissance, je peux mettre en place un plan d'entraînement précis, avec des étapes à suivre pour aller d'un point A à un point B. Au troupeau, c'est plus difficile. Bien sûr, on sait dans quel ordre les apprentissages doivent être mis en place : on ne va pas enseigner les recherches à grande distance à un chien qui ne sait déjà pas rassembler les brebis à dix mètres, ou encore, on ne va pas apprendre les séparations à un chien qui doit déjà apprendre à maintenir les animaux groupés. Quand on démarre un jeune chien, on ne peut pas savoir comment il se développera au contact des moutons au fil de son entraînement, tout simplement parce que lui-même a affaire à du vivant. Comment va-t-il évoluer ? Où rencontrera-t-il des difficultés ? Devra-t-on travailler particulièrement sur la prise de distance pendant la conduite, développer l'autonomie du chien ou, au contraire, mettre en place davantage de contrôle, devra-t-on lui apprendre à maintenir les animaux groupés ou au contraire à apprendre à les perdre ? Au troupeau, on tâtonne beaucoup, on fait des essais, des erreurs, et on ne cesse de découvrir son chien sous un nouveau jour au fil des entraînements. Le conducteur novice peut avoir une sensation de contrôle très limitée sur certaines situations et cela peut s'avérer très frustrant pour lui. C'est difficile, de mettre en place un travail où l'on est doublement confronté à du vivant -et de surcroît, un prédateur et des proies. Il faut accepter cette part d'incertitude inhérente au travail sur troupeau, parce qu'on ne saura jamais ce qui se passe exactement dans la tête du chien quand il regarde les moutons.

Je vous propose d'interrompre ici ce début de réflexion sur le travail au troupeau. Mais j'ai encore énormément de choses à en dire ! Ce travail me passionne parce qu'il a quelque chose de viscéral, d'instinctif et de kinesthésique qui n'est pas évident à appréhender -y compris pour moi, mais c'est justement ce qui est si stimulant. Je poursuivrai mon article dans les jours à venir. En attendant, n'hésitez pas à partager vos expériences et vos réflexions sur le sujet, dans le respect les uns des autres bien entendu 😉 !

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Elsa Weiss / Cynopolis

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