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Le vieux chien

Il est grincheux, le vieux chien. Il aime que tout soit à sa place et que tout arrive à l’heure. S’il n’est pas chez lui pour la sieste, je perçois des éclairs derrière ses yeux brumeux.


Il est lent, le vieux chien. Il sait que rien ne sert de courir. Les chats, ils sont devenus trop rapides. Les oiseaux, ils se volatilisent avant qu’on ne les atteigne. Les bonnes odeurs au sol, elles ne s’envolent pas, peu importe le temps qu’on met pour les atteindre.


Il a faim, le vieux chien. Il ne pense plus qu’à manger. Il ronchonne si son repas n’arrive pas à l’heure. La rue est devenue son garde manger, et la poubelle, un mets rare et raffiné dont il se délecte quand j’ai le dos tourné.


Il sent mauvais, le vieux chien. Le temps a raidi son corps dolent, et a réduit à quelques douloureuses minutes les longues heures passées à nettoyer sa fourrure. Sa silhouette voûtée et ses joues émaciées n’attirent plus les regards, et son poil lustré n’est plus qu’un vieux souvenir.


Mais moi je l’aime, le vieux chien. Il est plein d’une sagesse que je ne connaîtrai jamais. Il se gorge de chaque petit bonheur que la nature lui offre. Une sieste au soleil, une touffe d’herbe grasse à mâchonner, une roulade dans les pâquerettes. Quand il me regarde, je revois à travers ses yeux opaques les mille et une aventures que nous avons vécues.


Il est comme ça, le vieux chien : un peu ronchon, un peu cassé. Mais il m’apprend à apprivoiser le temps et à ne plus le laisser filer. Grâce à lui, les minutes s’étirent et me permettent de voir autour de moi plein de choses que je ne percevais pas. Et avant qu’il ne tourne la page, le vieux chien, je veux que nous écrivions encore quelques lignes de notre belle histoire.


Elsa Weiss / Cynopolis

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