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Sanctionner un chien qui fait une « bêtise » ?

Il y a une question que l’on entend souvent lorsqu’on est éducateur/trice canin : comment sanctionner un comportement « indésirable » chez un chien ?


Quand j’ai démarré en tant que professionnelle du chien il y a dix ans, c’est aussi une question que je me posais. J’ai utilisé le Pet Corrector et le spray d’eau pour interrompre des comportements indésirables (je ne parle pas là d’INTERVENTION D’URGENCE comme une bagarre de chiens avec morsure tenue, où là, il faut intervenir. Je parle de PUNITION ayant pour but de diminuer la probabilité d’apparition d’un comportement, ce qui est complètement différent). Cela fonctionnait, le plus souvent. Mais, au fil des années, j’ai remarqué deux choses : 1) Ces solutions n’étaient qu’un pansement, et ne réglaient pas le problème de fond ; 2) Elles paraissaient certes « non violentes », mais certains chiens avaient une peur bleue du spray d’eau ou du bruit du Pet Corrector. Ce n’était donc pas des solutions « éthiques ».


Au fil des années, et à mesure que je côtoyais des chiens, qu’il s’agisse des miens, de ceux du refuge où j’étais bénévole ou de ceux de mes clients, je me suis rendu compte que j’employais de moins en moins la sanction. Plus je prenais la mesure des capacités cognitives (incommensurables) des chiens, mais aussi des raisons pour lesquelles ils produisaient des comportements « indésirables » -le plus souvent parce que leurs besoins n’étaient pas comblés- et plus je trouvais qu’on les traitait injustement. De plus, je commençais à trouver dérangeant le fait que l’on sanctionne les chiens pour des comportements qui dérangeaient leurs humains, mais faisaient partie de l’éthogramme canin et étaient donc tout à fait normaux pour eux.


Bien évidemment, on ne peut pas laisser un chien faire tout ce qu’il veut, tout le temps : ce serait dangereux pour lui et pour son entourage. Alors, comment faire pour faire disparaître un comportement ? Doit-on attraper son chien par la peau du cou ? Le frapper avec un journal roulé ? Crier ? Si vous suivez cette page, vous vous doutez de ma réponse : rien de tout cela.


En effet, la punition n’est pas très efficace en éducation canine : ses résultats sont hautement imprévisibles. Quand on renforce un comportement, en offrant au chien ce qu’il souhaite à un instant T, on a de grandes chances que ce comportement soit reproduit par la suite. Tandis que quand on punit, le chien ne sait pas ce qu’il doit faire à la place du comportement sanctionné. Les voies qui s’ouvrent à lui sont multiples, et personne ne sait à l’avance ce qu’il va proposer à la place du comportement indésirable. Un chien sanctionné avec un collier coercitif (électrique, à spray, à vibration) chaque fois qu’il aboie, arrêtera peut-être de produire des vocalises. Mais un éventail immense de comportements de substitution s’offrent alors à lui : se lécher une patte compulsivement, creuser des trous, détruire des objets. La punition ne supprime pas l’émotion de départ : si le chien s’ennuie, et qu’il aboie pour s’occuper, la punition ne supprimera pas son émotion négative. Cette dernière aura besoin de s’exprimer, et elle trouvera un autre exutoire.


Cela ne signifie aucunement qu’il ne faille jamais dire « Non » à son chien. Mais il est plus éthique, plus efficace, et beaucoup plus intéressant, de renforcer les comportements souhaités que de sanctionner ceux que l’on considère comme « mauvais ». Parfois, le chien propose spontanément certains comportements que l’on peut alors renforcer sans demande particulière. Un chien réactif nous adresse un regard au moment où il aperçoit l’élément déclencheur : et hop ! Une récompense et une parole de félicitations l’aideront à comprendre que cette option est plus intéressante que d’aboyer sur le chien qui passe sur le trottoir d’en face. Et, dans d’autres cas, on peut proposer au chien un comportement alternatif à celui qui nous dérange : on peut apprendre à un chien qui saute sur les invités à s’asseoir pour obtenir de l’attention ou un biscuit. Bien vite, il comprendra que ce comportement de substitution est plus « payant » que de sauter sur tout le monde. C’est tout de même bien plus sympa que de crier sur le chien -ce qui peut même parfois être un renforçateur aux yeux de ce dernier- et cela n’abîme pas la relation entretenue avec lui, au contraire.


Dans d’autres cas, supprimer ce qui déclenche le comportement indésirable est aussi une solution de substitution à la punition. Si Toutou fouille dans la litière des chats, pourquoi ne pas rendre cette dernière inaccessible, plutôt que de le gronder chaque fois qu’il se fait un festin ? Cela vous semble peut-être une évidence, mais vous n’avez pas idée du nombre de propriétaires de chiens qui contactent un/e éducateur/trice pour des demandes de ce genre, auxquelles une solution peut être trouvée en dix secondes : enlever ce qui déclenche le « mauvais » comportement.


La société dans laquelle nous vivons est profondément punitive. On distribue des amendes, on met les délinquants dans des prisons. Ces problèmes pourraient être traités en amont, mais c’est la punition qui est la solution la plus couramment employée. Pourtant, beaucoup d’automobilistes continuent de rouler trop vite même après avoir pris plusieurs amendes. Une fois sortis de prison, de nombreux ex-détenus récidivent. Notre éducation est ainsi faite, depuis des générations : on ne se voit pas éduquer sans punir, et en effet, certains comportements ne peuvent échapper à une punition. Mais il y a mille autres façons de procéder avant d’en arriver à cette option. Et le changement commençait par l’éducation donnée à nos chiens ?


(Dans cet article, je parle de l’éducation du chien au quotidien, et non pas du dressage destiné à certaines tâches spécifiques, comme le troupeau, qui nécessite l’usage de disruptifs. Il est tout à fait possible de commenter ce post autant que vous le voulez, mais SVP, sans sortir les propos de leur contexte 😉).


Elsa Weiss / Cynopolis

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