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Le renforcement positif expliqué simplement

Des Bisounours, des distributeurs de Knackis, des personnes laxistes, de doux rêveurs… Qu’est-ce qu’on se prend régulièrement comme réflexions dans la tronche, quand on travaille essentiellement en renforcement positif ! L’éducation positive reste mal comprise, et parfois mal employée aujourd’hui, alors qu’elle consiste simplement en une mise en pratique des lois de l’apprentissage qui existent depuis la naissance du monde et l’apparition des premiers être vivants. Le renforcement positif n’implique initialement aucune éthique ou aucune morale : il est une loi scientifique, dont on se sert effectivement aujourd’hui pour éduquer les animaux en respectant leurs émotions. Avec le renforcement positif, on peut éduquer quasiment TOUS les animaux (dans la limite de leurs capacités bien sûr : vous pouvez essayer de faire résoudre une équation à votre cochon d’Inde, mais vous risquez de faire chou blanc), du poisson à la baleine, en passant par la poule ou la chauve-souris. En effet, si les chiens répondent malheureusement aux méthodes violentes (coups, cris), les soigneurs animaliers en parcs zoologiques ne peuvent décemment pas hurler sur un hippopotame quand il s’agit de le soigner. Avec les animaux sauvages, on travaille donc en renforcement positif, et les résultats sont bluffants quand l’apprentissage est bien mené.


Les principes du renforcement positif sont simples. Je ne vous décrirai pas toutes ses lois car il faudrait bien plus qu’un petit article pour les expliquer. Je vais donc faire simple : n’importe quel animal sur Terre, apprend par essais et erreurs (le fameux conditionnement opérant de Skinner). Quand un nouveau comportement lui apporte quelque chose de positif, il aura tendance à le reproduire. Au contraire, quand un comportement lui apporte quelque chose de négatif, ou ne lui apporte rien du tout, il aura tendance à s’éteindre. Rien de plus simple ! Par exemple, un chien qui trouve un os sous un banc aura tendance à retourner au même endroit le lendemain. Mais s’il n’y trouve plus d’os pendant deux ou trois jours d’affilée, le comportement « vérifier sous le banc » s’éteindra. Dans l’éducation de nos chiens, les principes du renforcement positif peuvent être appliqués dans toute situation : par exemple, votre chien aboie pour que vous lui ouvriez la baie vitrée. Si vous la lui ouvrez systématiquement, le comportement se renforcera, et il aboiera de plus en plus. Si vous ignorez ses aboiements, le chien comprendra qu’ils ne servent à rien, et il cessera progressivement ses vocalises. Donner un bonbon à un enfant parce qu’il est sage pendant les courses, c’est aussi du renforcement positif. L’enfant aura tendance à reproduire ce comportement. Mais le renforcement positif n’implique pas toujours de la nourriture, et c’est là que nous, éducateurs canins employant cette méthode, sommes mal compris.


Un renforçateur peut être n’importe quoi, tant qu’il amène le comportement à se reproduire. C’est là que réside la différence entre renforçateur et récompense : la récompense n’augmente pas nécessairement la probabilité que le comportement se reproduise ! Imaginons que vous souhaitiez apprendre à votre chien à donner sa balle. Si vous lui donnez un bout de jambon quand il pose sa balle au sol, mais que la balle a plus de valeur à ses yeux que la nourriture, votre récompense n’est pas un renforçateur. Mieux vaut prendre la balle et la lancer, ou proposer une autre balle de même valeur ou de valeur supérieure en échange, pour que le comportement « poser la balle au sol » soit renforcé.


Ce matin, j’ai entraîné Sirius au troupeau en employant le renforcement positif. Pour commencer, je ne l’ai pas mis en difficulté : j’ai limité les fuites des brebis avec un filet à moutons, et j’ai laissé une cordelette accrochée à son collier, pour pouvoir le rattraper en cas de besoin, sans me fâcher inutilement. Quand on travaille en renforcement positif, il est essentiel de limiter les échecs pour l’individu. Des échecs, il y en aura, mais mieux vaut les affronter un par un, sereinement, plutôt que de se retrouver dépassé par la situation, ce qui ne permet plus l’apprentissage. Chaque fois que Sirius me proposait un comportement correct, je le félicitais vocalement, mais pas que : je lui laissais de l’espace pour prendre possession du lot, parce que le VRAI renforçateur, au troupeau, c’est l’accès aux moutons. De même, lorsque je le rappelais à moi et qu’il revenait de bon cœur, je le renvoyais chercher les brebis (une fois ou deux, sinon bien sûr, on n’en finit pas 😄 !). Rien de plus efficace pour renforcer le rappel. Le renforçateur négatif (celui qui fait que le comportement du chien finit par s’éteindre), c’était le fait d’empêcher Sirius d’accéder aux brebis. S’il s’en approchait un peu trop vite par exemple, je l’empêchais d’en prendre possession, en me plaçant entre les brebis et lui. Je n’ai pas eu besoin de crier ou de le frapper. L’entraînement s’est très bien déroulé et cela, en renforcement positif, sans avoir besoin de sortir un bout de Knacki de ma poche !


Quand vous souhaitez enseigner un nouveau comportement à votre chien, ou éteindre un comportement déjà existant, posez-vous la question suivante : que puis-je proposer pour favoriser l’apparition de ce comportement, et au contraire, comment puis-je enlever le renforçateur du comportement non désiré ? (Bon, c’est vrai, cela fait deux questions). Par exemple, mon chien s’excite quand je sors sa laisse. Le renforçateur ici, est la laisse. Il suffit donc que je repose la laisse quand le chien s’excite, autant de fois qu’il le faut, jusqu’à ce qu’il ait compris qu’un minimum de self control lui est demandé s’il veut pouvoir partir en promenade.


Enfin, et j’insiste là dessus, il est FAUX, ARCHI-FAUX, de dire qu’un chien « compliqué » ne peut pas être rééduqué en renforcement positif. Notre travail, en tant qu’éducateurs canins, consiste à rééduquer en grande partie des chiens présentant des comportements agressifs. Croyez-moi, nul besoin de les secouer en bout de laisse pour les « mater ». Il faut surtout se creuser la cervelle, et trouver des solutions pour appliquer les lois du renforcement positif sur ces chiens souvent très sensibles. Un chien proactif peut par exemple être rééduqué grâce au clicker-training, qui permet d’appliquer avec précision le renforcement positif. Si le chien a tendance à charger les humains, l’humain « chargé » peut cliquer et faire demi-tour AVANT que le chien ne se déclenche : peu à peu, l’animal comprendra qu’il obtient ce qu’il souhaite, soit l’éloignement de l’intrus, en restant calme et non pas en se jetant en bout de laisse. Et c’est ainsi que l’humain indésirable pourra s’approcher de plus en plus, en cliquant de plus en plus tard. Bien sûr, ce n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres, et ce qui marche avec un chien peut ne pas marcher avec un autre. Mais l’avantage du renforcement positif, c’est qu’il permet un apprentissage beaucoup plus qualitatif et beaucoup plus durable que les méthodes coercitives, plus spectaculaires et plus rapides et qui plaisent donc malheureusement au grand public, mais qui créent des dégâts psychologiques sur l’animal à long terme.


L'usage du renforcement positif change la vie : une fois qu'on l'a adopté, c'est un univers entier de possibilités qui s'ouvre à nous et l'on ne revient plus jamais en arrière. Garanti !


Elsa Weiss / Cynopolis

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