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Le Cane Corso : tout sauf un chien de débutants !

Un jeune Cane Corso est mort aujourd’hui. Un chien de deux ans que ma collègue et amie, du centre d’éducation, a eu l’occasion de rencontrer et de suivre pendant ses premiers mois, auquel elle a eu le temps de s’attacher. Elle partage elle-même sa vie avec un Cane Corso. Nous avons tous et toutes notre race de cœur : pour ma collègue, c’est le Cane, et elle le connaît par cœur. Elle apprécie ses qualités, mais elle connaît aussi ses défauts.


Quand elle a rencontré Kimbo et ses maîtres, elle n’a pas cherché à cacher les travers de la race. Elle préférait les prévenir, afin qu’ils préparent au mieux leur petit Cane Corso à sa future vie d’adulte. Il n’aura même pas eu le temps de la vivre : parce que ses maîtres n’ont pas pris en compte les conseils donnés, et parce qu’ils ont cru que tous les chiens étaient les mêmes, et qu’il suffisait de leur montrer du monde et de les trimballer partout pour en faire des compagnons parfaitement adaptés à la vie de tous les jours.


Sauf que chaque individu a une sensibilité différente. Et, si aucun chiot ne devrait être exposé à des stimulations excessives, c’est particulièrement le cas du Cane Corso. Ce molosse au physique imposant cache une sensibilité exacerbée, et des émotions qu’il a beaucoup de difficultés à contrôler. Quand je lis les définitions du tempérament du Cane Corso données sur les sites de races, je ne le reconnais pas. Il n’est pas cette chimère « placide, amoureuse des enfants et d’une bravoure sans faille » dont on vante les qualités fictives. Le Cane Corso est à fleur de peau. Toujours. Et, ce trait de caractère combiné à sa taille et à son poids conséquents, en font un chien qui ne devrait pas être placé entre toutes les mains. Peu importe ce que vous lirez sur Wikipédia ou même dans le standard de la race : cela correspond peut-être à ce que devrait être le Cane Corso, mais pas à ce qu’il est actuellement.


Aujourd’hui, les Cane Corso que nous rencontrons sont des chiens souvent réactifs, qui tolèrent mal leurs congénères, voire les humains. Des chiens dont l’origine gardienne (de troupeaux, de fermes…) est indéniable : ils sont toujours sur le qui-vive, toujours vigilants. Mais des chiens qui n’ont pas la confiance en eux dont bénéficient les autres races gardiennes. Des chiens qui sont plus peureux que méfiants, mais qui restent proactifs et n’hésitent pas à « foncer dans le tas » si quelque chose les effraie. Des chiens qui semblent vivre dans un monde qui les terrifie, et ce qui le terrifie, le Cane Corso lui « casse la gueule ». Purement et simplement.


Je ne cherche pas à dénigrer la race, mais je m’interroge sur la sélection récente qui est opérée sur le Cane Corso. À l’heure actuelle, on détruit la race, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, en ne sélectionnant les futurs reproducteurs que sur des critères physiques. Les conséquences sur le Cane Corso et son entourage peuvent être dramatiques. Si vous habitez une ferme au fin fond du Périgord, et que votre Cane Corso a pour mission de garder le domaine et les animaux qui y vivent, vous rencontrerez peu de soucis. Votre chien aura une mission à accomplir, et sera exposé à peu de stimulations. Mais si vous vivez en ville, et que vous croisez tous les jours des chiens et des humains par centaines, votre Cane Corso aura beaucoup de mal à être serein dans son environnement. Et attention : son caractère définitif n’est pas fixé avant l’âge de trois ans minimum. Il peut être parfaitement sociable à l’âge de deux ans, et vouloir se jeter sur chaque passant six mois après.

Il existe des exceptions, oui. Comme il existe des Beagles qui n’aiment pas leurs congénères (même si je n’en ai personnellement jamais rencontré !) et des Border Collies qui ne poursuivent pas tout ce qui bouge. Mais, si vous rêvez d’un chien que vous pourrez emmener partout avec vous, ne choisissez pas le Cane Corso. Aujourd’hui, l’un d’entre eux a payé de sa vie un choix de race pris à la légère.


Nous vous en supplions : lorsque nous cherchons à vous détourner d’une race, écoutez-nous ! Nous ne cherchons pas à vous « rabaisser » en sous-entendant que vous ne serez pas capable de gérer un chien de la race en question. Mais nous connaissons bien les races de chiens, nous savons combien leur génétique impacte leur comportement au quotidien, et nous savons pertinemment quand un environnement ne leur conviendra pas. Et, malgré toute la meilleure volonté du monde, la socialisation, l’éducation et l’affection que vous donnerez à votre chiot, sa génétique le rattrapera. Et vous vous en mordrez les doigts.


Kimbo a mordu un cycliste. Malgré la peur et la douleur ressenties par la victime, ce chien ne méritait pas la mort. Il pouvait continuer à vivre auprès de sa famille, mais il aurait fallu cesser de vouloir à tout prix le confronter à des humains inconnus, des enfants, des chiens, et j’en passe. Malgré les conseils de ma collègue, les maîtres de Kimbo ont saturé leur chiot d’informations et de stimulations que sa race ne le prédisposait pas à tolérer. Mais, comme beaucoup de propriétaires, ils ont cru qu’ils feraient mieux que les autres. Aujourd’hui, je suis particulièrement amère face à cette situation, mais la plus écœurée d’entre nous, c’est ma collègue (qui s’est elle-même fait mordre grièvement il y a quelques années et n’a pas eu l’idée de demander l’euthanasie du chien !).


Une bonne fois pour toutes, ne choisissez jamais une race uniquement pour son physique. Ne vous fiez pas au portrait de la race dépeint par les livres ou les sites de races. Certains éleveurs eux-mêmes ne connaissent leur race que dans le contexte de leur élevage, et pas dans la vie quotidienne en milieu urbain. Certains… pas tous, heureusement. Mais il semble difficile, de nos jours, de trouver des éleveurs qui produisent du « beau et bon chien ». On veut de la couleur, on veut des yeux clairs, on veut des chiens hypertypés… alors les éleveurs peu scrupuleux produisent. Et c’est ainsi que l’on perd des races extraordinaires. Malheureusement, il semblerait que le Cane Corso soit en train de suivre cette voie. Et aujourd’hui, Kimbo

en a payé le prix fort.


Elsa Weiss / Cynopolis

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