top of page

Mon chien a grogné : mérite-t-il le bûcher ?

« Jack a grogné sur mon fils qui voulait lui faire un câlin dans son panier » ; « Looping me montre les dents quand je veux lui reprendre son os » ; « Quand je demande à mon Shih-Tzu de descendre du canapé, il grogne »...


Le grognement... il y aurait tant et tant à dire sur le sujet ! Ce mode d’expression a beau faire partie intégrante du répertoire comportemental du chien, il reste bien mal compris, et ô combien diabolisé ! Combien de chiens ont été abandonnés, ou euthanasiés, pour avoir eu le malheur (l’affront !) de grogner sur leur maître... Je me souviens d’un propriétaire qui m’avait raconté avoir fait euthanasier son molosse, avec l’aval de son vétérinaire (!!!) parce qu’il avait grondé sur son humain une fois dans sa vie. Quelle tristesse...


Il arrive à votre chien de grogner à votre encontre ? Rassurez-vous, il n’est pas en train de « devenir dangereux ». Je ne dis pas pour autant qu’il faut ignorer ses avertissements, mais j’espère qu’après la lecture de cet article, vous envisagerez les ronchonnements de votre toutou sous un tout nouvel angle.


Dans notre esprit humain, le grognement évoque la menace, le danger, le préambule à l’attaque d’un prédateur (pourtant, un prédateur ne grogne pas avant de sauter sur sa proie : niveau discrétion, ce ne serait pas franchement le top !). Le grognement fait peur, l’animal qui l’émet va forcément attaquer et est à coup sûr un individu peu recommandable...


Et bien non : bonne nouvelle, un chien qui grogne n’est généralement pas un animal agressif, mais un animal mal à l’aise. En grognant, il cherche justement à éviter le conflit, tout en exprimant un inconfort. Généralement, le brave toutou se prend une claque retentissante sur le museau pour avoir OSÉ se montrer désagréable, avec pour conséquence (bien fâcheuse), l’association suivante dans son petit crâne de canidé : « J’ai voulu faire comprendre à mon maître que sa prise au collier pour me faire descendre du fauteuil me mettait en situation d’inconfort. Grogner ne m’a rien apporté, puisqu’il m’a agressé en suivant. Je n’en ai aucune envie, mais je le mordrai la prochaine fois qu’il m’attrapera au collier, puisque je n’ai pas le droit de grogner ». Bon, okay, le chien ne se projette pas réellement dans le futur, mais l’essentiel est que vous ayez compris : sanctionner un chien qui grogne est la recette parfaite pour fabriquer de l’hyperagression secondaire, dans laquelle l’animal ne prévient plus avant d’attaquer, et devient alors réellement dangereux.


Si votre chien grogne régulièrement dans une situation donnée, essayez de vous mettre à sa place et de comprendre ce qui peut lui poser problème à cet instant précis : par exemple, s’il grogne pendant son repas, c’est parce qu’il craint que vous le lui voliez. Au lieu de remuer les croquettes (et le couteau dans la plaie) parce que « vous avez toujours fait comme ça avec vos chiens », pourquoi ne le laissez-vous pas simplement manger tranquille ou alors, n’ajoutez-vous pas un bout de jambon à sa gamelle pour lui montrer que la main est une amie et non une ennemie ?


S’il grogne quand vous lui demandez de descendre du canapé, pourquoi ne lui mettez-vous pas une laisse plutôt que de l’attraper au collier, ce qui met mal à l’aise bon nombre de chiens ? Ou alors, vous pouvez tout bêtement éviter les situations qui mettent votre chien en situation d’inconfort, en lui installant un coin douillet bien à lui dans son panier plutôt que de le laisser s’installer sur le canapé. Parfois, les problèmes les plus faciles à régler sont ceux qu’on s’épargne. Vous avez tout à fait le « droit » de faire monter votre chien sur le canapé (chacun fait ce qu’il veut chez lui), mais s’il s’agit d’une source d’inconfort pour votre compagnon comme pour vous, sachez qu’il sera tout aussi heureux d’avoir son coin à lui.


Il est d’ailleurs important de souligner que beaucoup de morsures ont lieu à l’endroit où dort le chien. Elles sont souvent destinées aux enfants qui se font mordre au visage en se penchant pour câliner l’animal. Votre enfant doit apprendre qu’on ne caresse pas un chien sur son lieu de repos. C’est SA chambre, et il a le droit d’y être tranquille. Si vos enfants sont trop petits pour respecter la consigne, matérialisez le lieu de couchage du chien en investissant dans un parc à chiot ou une cage à chien que vous laisserez en libre accès à votre animal. Il bénéficiera ainsi d’un « refuge » où il sera davantage à l’abri que dans un simple panier ou sur un tapis. Pour votre enfant, la limite sera psychologiquement plus marquée. Dans la plupart des cas de morsures sur enfant, le chien a grogné à plusieurs reprises avant de passer à l’acte. L’enfant n’est pas toujours capable de comprendre les signaux d’inconfort du chien. Ou alors, le chien s’est fait réprimander de nombreuses fois par les parents et a fini par passer à la morsure. En général, ces histoires se finissent très mal, avec un chien euthanasié et un enfant défiguré. Juste parce que personne n’a prêté oreille aux signaux de détresse d’un chien qui finalement… essayait de se montrer poli. C’est bien triste, et c’est une histoire qu’on entend encore trop souvent quand on est un professionnel du chien.


Si votre chien grogne de manière récurrente, assurez-vous que l’éducation que vous lui donnez est cohérente. Si vous l’autorisez à monter sur le canapé (encore lui !), vous ne pouvez pas le lui interdire le lendemain, pour l’autoriser à nouveau le jour d’après. Il ne comprendrait pas la situation, et pourrait exprimer son inconfort en grognant. Attention aussi si vous êtes trop dur avec votre compagnon : certains chiens grognent quand vous leur demandez quelque chose parce que vous leur faites peur. Je l’ai vu, je n’invente malheureusement rien. Il y a une différence entre être un guide, et être un tyran.


Si votre chien grogne, dites-vous que c’est une situation pour laquelle il ne doit JAMAIS être sanctionné. En revanche, il existe peut-être un malaise quelque part qui nécessite d’être identifié. Essayez de comprendre pourquoi votre chien grogne et modifiez la situation si elle le met mal à l’aise (déplacez son panier dans un coin plus calme s’il grogne lorsque vous passez à côté -il est peut-être épuisé par les allers et venues de tous les membres de la famille-, associez la prise au collier à quelque chose de positif s’il craint ce type de contact, donnez-lui des os moins gros s’il ne les finit pas et grogne lorsque vous vous en approchez, évitez l’interaction avec tel ou tel congénère s’il grogne à leur approche, car peut-être n’est-il pas à l’aise avec eux, etc). Faites preuve d’empathie et dites-vous que votre animal n’a pas la possibilité de vous exprimer « Je ne suis pas à l’aise avec cette situation, s’il te plaît éloigne-toi ». Encore une fois, je ne dis pas de tout laisser faire et de tout tolérer de la part de son chien : mais le grognement ne doit EN AUCUN CAS être sanctionné sous peine de faire de votre chien une bombe à retardement.


« Chien qui aboie ne mord pas », et chien qui grogne non plus, pour peu qu’on fasse l’effort d’essayer de le comprendre…


Elsa Weiss / Cynopolis

© Tous droits réservés - 2021



25 vues0 commentaire
bottom of page