C’est l’argument NUMÉRO 1 qui circule en ce moment sur les pages de ceux qui s’insurgent contre la proposition de loi pour l’interdiction des colliers de « dressage ». Quand je lis ce genre de remarque, je bous. Je bous littéralement. Les colliers coercitifs sauveraient des chiens ? Limiteraient le nombre d’abandons ? On croit rêver. C’est le monde à l’envers. En voulant faire interdire ces outils, les personnes œuvrant pour le bien-être animal enverraient indirectement des chiens à l’abattoir. Laissez-moi rire !
Et si l’on évoquait le cas contraire ? Combien de chiens ont été directement envoyés à la mort à cause d’une « éducation » à la dure, et de l’emploi d’outils causant douleur et stress ? Exemple que je cite souvent, mon Border Collie Indiana a échappé de peu à l’euthanasie car, victime d’une éducation violente, a fini par mordre son propriétaire. Attendez, attendez, j’en ai d’autres : ce beau Husky que j’ai rencontré en séance il y a quelques années, que le propriétaire voulait à tout prix « dominer » et qui, au fil du temps, a développé de plus en plus de peur vis à vis de son humain, jusqu’à l’envoyer aux urgences, le bras perforé de toutes parts. Je devais récupérer ce chien par le biais d’une association, mais son propriétaire a préféré opter pour l’euthanasie… Et que dire de ce Spitz, qui grognait lorsqu’il mangeait ses croquettes, qu’un éducateur a jugé « dominant » et pour lequel il a préconisé l’alpha roll ? Bien entendu, la suite, vous la devinez aisément : le Spitz s’est montré de plus en plus menaçant, jusqu’à effrayer ses propriétaires qui ont pris la décision de s’en séparer (des gens extra, par ailleurs, mais qui ont eu le malheur d’écouter les conseils aberrants d’un éducateur en coercitif).
Des exemples comme ces trois-là, j’en ai à la pelle. Dominer, dompter, faire obéir, coller un collier électrique au moindre pet de travers, franchement je n’en peux plus de tout cela. Arrêtez, mais ARRÊTEZ, de croire à l’idée totalement fausse que pour rééduquer un chien « difficile » (traduisez « rendu difficile par une éducation incohérente et/ou des besoins non comblés, dans de nombreux cas »), il faut utiliser la méthode forte ! J’y ai cru aussi, malheureusement. J’ai été formée en « tradi », et la première fois que j’ai mis les pieds dans un club canin, c’était il y a 23 ans, tenant mon premier chien en bout de laisse avec un torquatus autour du cou. À l’époque, la psychologie canine n’en était qu’à ses balbutiements, je peux comprendre que, par ignorance, ces outils aient alors été employés. Mais aujourd’hui, nous n’avons clairement AUCUNE excuse. Tout cela pour vous dire que OUI, je connais ces outils, OUI, je les ai employés, et OUI, ils fonctionnent, hélas ! Si votre enfant prononce une grossièreté et que vous lui collez un coup de martinet, il cessera d’être impoli. Ça fonctionne. Mais la confiance établie entre lui et vous en prendra un sacré coup. Sans compter sa confiance en lui.
À l’heure actuelle, rien, absolument rien, ne justifie l’emploi de la douleur sur un animal. Aucun outil coercitif n’est « bien utilisé ». Moi aussi, j’ai pensé « bien les utiliser », mais leur emploi était simplement la preuve de mon manque de connaissances de l’époque. En observant les chiens au quotidien, en lisant, en apprenant, en me penchant sur les avancées scientifiques en matière d’éthologie canine, je pense (j’espère !) avoir progressé. Parce que l’expérience de terrain, c’est bien, mais c’est insuffisant. La théorie aussi est indispensable si l’on a envie d’évoluer.
À tous ceux qui pensent qu’éduquer de manière « éthique », c’est ne jamais dire non à un chien, à tous ceux qui pensent qu’un chien « compliqué » a forcément besoin de porter un collier étrangleur, à tous ceux qui, tout simplement, souhaiteraient véritablement mieux comprendre l’éducation bienveillante, je vous invite à lire le merveilleux livre de Karen Pryor, « Don’t shoot the dog ! » dans lequel je me suis replongée récemment avec plaisir et qui changera sûrement à tout jamais votre vision de l’éducation canine.
Je ne rêve pas d’un monde de Bisounours (je prends les devants, parce que ça va forcément tomber dans les commentaires), mais d’un monde où la science aurait enfin raison de toutes les idées reçues qui circulent en permanence sur le chien. J’espère du fond du cœur que ce dernier cessera un jour d’être le défouloir de toutes nos frustrations quotidiennes et qu’on le considèrera enfin comme un individu à part entière, pas comme un esclave qu’on électrifie en appuyant sur un bouton.
Elsa Weiss / Cynopolis © Tous droits réservés - 2023
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