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La muselière, cet outil de torture ...

Dernière mise à jour : 2 avr. 2023

Le chien muselé fait peur. Le chien muselé génère les regards de travers, les remarques désobligeantes. Il pousse les gens à changer de trottoir, à éloigner leur chien « bien éduqué » du vôtre qui, de toute évidence, ne l’est pas. Le chien muselé déclenche les questions un peu idiotes : « Mais il n’est pourtant pas catégorisé ?... » ; « Pourquoi vous ne le faites pas dresser ? ». Ah, et le chien muselé est malheureux, aussi. Malheureux à cause de l’incompétence de son maître. Malheureux d’avoir une cage autour du museau. Malheureux de se sentir stigmatisé.


Moi-même, c’est un peu comme cela que je voyais la muselière, il y a encore une dizaine d’années.


Rares sont les personnes qui considèrent la muselière autrement. Comme un outil de sécurité, ce qu’elle est indubitablement. La muselière protège les autres chiens, et les humains, des morsures. Elle protège le chien un peu trop goulu aussi, celui pour qui une chips égarée et une baie de belladone ont le même intérêt gustatif.


La muselière a aussi un impact psychologique indiscutable sur le chien et son propriétaire. Le propriétaire de chien réactif, conscient que son animal ne peut plus mordre, se détend et lui offre davantage de liberté. Sa communication verbale et non-verbale est moins polluée par le stress, et le chien, conscient du changement chez son humain, se détend lui aussi. Un combo gagnant qui redonne espoir au maître et l’encourage à poursuivre son travail sur le comportement de son chien.


Le port de la muselière n’est pas plus contre-nature pour un chien que celui du collier ou du harnais. Je pense même qu’il devrait être enseigné très tôt, dès les premiers mois du chiot, parce qu’il peut s’avérer indispensable à n’importe quel moment de la vie du chien : voyage en train, manipulation médicale douloureuse... Bien sûr, c’est un apprentissage qui demande un peu de temps, mais il est tout à fait possible de le dispenser en s’amusant : pour commencer, imaginez que le fond de la muselière est une cible que le chien doit venir toucher avec son museau. Rien de plus facile : un peu de Kiri au fond de la muselière, et le tour est joué. Petit à petit, votre chien viendra placer son museau de bonne grâce dans la muselière. Récompensez-le, en augmentant très progressivement la durée du port. Une autre astuce fonctionne très bien, et l’une n’exclue pas l’autre, bien au contraire : mettre la muselière au moment de partir en promenade. Après tout, c’est bien comme cela qu’on associe sans le vouloir la laisse à quelque chose de positif, non ? Là encore, faites les choses progressivement, et ne laissez la muselière en place que quelques secondes au début, et un peu plus longtemps chaque jour.


Attention aussi de bien choisir la muselière de votre chien : exit les muselières en nylon que l’on trouve absolument partout. Elles sont certes peu onéreuses et très discrètes, mais elles irritent très vite le chien dont la salive se colle et sèche sur la muselière, et surtout, elles ne lui permettent pas de haleter. Coup de chaleur garanti s’il fait plus de 25 degrés ! Je conseille les muselières de type « panier », vous savez, celles qui font bien peur aux gens et transforment votre gentil Berger Australien en Hannibal Lecter. Mais on s’en fiche, parce que ce type de muselière est confortable pour le chien, il ne peut pas se l’enlever facilement, elle est aérée, et permet à l’animal de boire et de recevoir des friandises de la part de son maître. Pratique pour la rééducation des chiens réactifs !


Enfin, veillez à bien choisir la taille de la muselière, et n’hésitez pas à voir grand : la truffe du chien ne doit pas toucher le bout de la muselière, ce qui est très inconfortable pour lui (elle ne doit pas non plus être éloignée de plus d’un centimètre de la paroi pour que l’animal puisse renifler convenablement), et surtout, le chien doit pouvoir bâiller dedans (vous pouvez prendre ses mesures en lui plaçant une balle dans la gueule). Elle doit être bien ajustée derrière les oreilles pour que Toutou ne puisse pas se l’enlever d’un coup de patte. Un cordonnier pourra vous aider à faire de petits ajustements au besoin !


Dans la plupart des cas, la muselière ne sera qu’un outil provisoire. Mais certains chiens devront la porter en promenade jusqu’à la fin de leurs jours. Mon Indiana, par exemple, porte toujours une muselière quand je me promène avec d’autres personnes. Parce que c’est un chien qui se comporte parfaitement bien 99% du temps, mais qui peut se déclencher de manière tout à fait imprévisible si un étranger a un geste qu’il interprète mal. Certains chiens ont un passé, et peuvent avoir des réactions agressives liées à des expériences négatives antérieures. On peut y travailler, et parfois obtenir une rééducation totale de l’animal. Mais un chien n’est pas un PC dont on peut restaurer le système pour obtenir un nouveau compagnon tout beau tout neuf. C’est un être vivant qu’il faut savoir accepter tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts (qualités et défauts qui sont des notions purement humaines, entendons-nous...).


Quand vous croiserez un chien muselé, ne condamnez plus la personne qui se trouve au bout de sa laisse. Si son chien est muselé, ce n’est pas parce qu’il est « mal éduqué ». Ce n’est pas parce qu’il est « méchant ». C’est peut-être tout simplement, parce qu’il a un propriétaire responsable qui se préoccupe de la sécurité des personnes qui partagent les mêmes lieux de promenade que lui, ou parce qu’il se soucie de la sécurité de son chien qui mange tout et n’importe quoi. Et dans tous les cas, son intention est parfaitement louable et ne devrait pas être condamnée, mais encouragée.


Elsa Weiss / Cynopolis

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