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Photo du rédacteurCynopolis Elsa Weiss

L’enfant, meilleur ennemi du chien ?

Quand j’étais enfant, j’ai été mordue plusieurs fois par des chiens. Je les adorais, pourtant. Je ne vivais que pour les animaux, les animaux, les animaux. Dès qu’il y avait un animal dans une pièce, je lui collais aux basques et je ne le lâchais plus. Mes parents étaient vigilants et je n’avais pas le droit de caresser un chien dans la rue si je n’avais pas demandé l’autorisation à ses propriétaires avant, ce qui m’a probablement épargné d’autres incidents. Les deux morsures que j’ai subies (provoquées ?) et dont je me souviens ont eu lieu quand mes parents n’étaient pas là. Les deux fois, je n’ai pas compris pourquoi je m’étais fait mordre. Maintenant, en repassant ces scènes dans ma tête et avec mes yeux d’adulte et surtout de professionnelle du chien, les raisons me paraissent évidentes.


Je harcelais les chiens. Je les aimais tellement que j’en devenais envahissante, et je ne me rendais pas compte que les animaux aussi avaient besoin qu’on respecte leur espace vital. Ces pauvres chiens m’avaient probablement envoyé des dizaines de signaux de malaise puis de menace avant de passer à l’acte, la morsure étant souvent une solution de dernier recours pour nos canidés domestiques. Ces chiens avaient sûrement essayé de s’éloigner de moi pour trouver un peu de repos, mais j’étais revenue à la charge avec toute ma délicatesse d’enfant amoureuse des animaux. Heureusement, je n’ai pas subi de morsure grave et j’ai eu la chance d’avoir des parents qui étaient plutôt du genre à me faire comprendre que si je me faisais mordre, c’était ma faute, pas celle du chien.


Aujourd’hui, les temps ont changé. Les enfants sont toujours des enfants, généralement animés de bonnes intentions envers les animaux, mais souvent maladroits et surtout, trop jeunes pour être capables de déceler un signal de menace chez un chien. Les chiens, eux, ont investi nos salons, pour le meilleur certes, mais aussi pour le pire : on en oublie qu’ils sont des animaux, et on leur prête des intentions qui ne sont pas les leurs. Un chien qui mord l’enfant de la famille, c’est la trahison suprême : comment peut-il agir ainsi alors qu’on lui offre une place de roi dans la maison, les meilleures croquettes et tellement d’amour ? Souvent, le chien est alors relégué au rang d’être félon qui ne mérite plus la confiance qu’on lui accorde. On envisage son abandon (on ne sait jamais, maintenant qu’il a goûté au sang !) ou son euthanasie, parce que peut-être qu’il a « pété un plomb ».


Pourtant, ce chien avait prévenu l’enfant plusieurs fois de le laisser tranquille quand il dormait dans son panier. Une fois, deux fois, il avait grogné. Personne ne l’avait écouté, et une fois, on l’avait même disputé. Il avait fini par cesser, puisque cela ne servait à rien. Il avait continué de montrer des signaux de malaise, mais l’enfant avait continué de le caresser. Alors, il avait fini par mordre. Il n’avait pas aimé mordre son petit humain. Mais il avait aussi vraiment besoin de dormir, et l’enfant l’en empêchait, quand il ne le réveillait pas carrément pour jouer avec lui alors qu’il était encore plongé dans ses rêves. Et maintenant, tout le monde le regardait avec horreur.


L’enfant peut être le meilleur ami du chien, s’il apprend à le respecter. Et c’est par vous que cet apprentissage doit passer. Votre chien doit bénéficier d’un endroit à lui, où il peut se reposer sans qu’on le dérange. Évitez les endroits de passage qui l’empêcheront de se reposer correctement. Le canapé, c’est à vous de décider si vous souhaitez le laisser accessible à votre chien ou non, mais offrez-lui dans tous les cas un panier ou une niche d’intérieur à lui. Il est indispensable que son panier soit interdit d’accès aux enfants. Il s’agit de « sa chambre », et s’il vous faut mettre une petite pancarte « Ne pas déranger » à cet endroit pour que vos enfants se souviennent de cette règle de vie, pourquoi pas ! Vous pouvez même les mettre à contribution en leur faisant dessiner cette petite pancarte : cela les sensibilisera d’autant plus. L’enfant ne doit pas non plus approcher le chien quand il mange, ni vous, d’ailleurs. Laissez votre animal profiter de son repas tranquille, comme vous-même aimez être laissé en paix quand vous mangez. Enfin, apprenez à lire les signaux de malaise chez le chien car quand l’enfant devient trop envahissant, ils deviennent très visibles. Détourner la tête, bailler, se lécher la truffe, se secouer sont les plus connus d’entre eux. Parfois, ils peuvent être trompeurs : le chien lèchera le visage de l’enfant frénétiquement comme dernière demande de distancement (on trouvera ça mignon...), ou il restera prostré, sans réaction. Un chien qui ne réagit pas pendant que votre enfant fait du cheval sur son dos a beau ne rien exprimer, il est certain qu’il n’est pas à l’aise. Il s’agit d’une forme de détresse : ne sachant quelle réaction adopter, le chien se fige et subit.


L’enfant n’est pas le meilleur ennemi du chien, mais il peut le devenir si vous n’êtes pas suffisamment vigilant. Il m’est arrivé, en séance, de constater que certains enfants étaient de véritables tyrans avec leur animal. Et si personne ne met de l’ordre dans la situation, malheureusement cela se finit parfois en drame pour l’enfant... et pour l’animal. Je conclus ce texte en précisant qu’aucune race n’est plus disposée à mordre un enfant qu’une autre : je me souviens de l’abandon d’un Golden Retriever qui avait mordu sa petite maîtresse au visage (les enfants sont souvent mordus au visage car ils se penchent sur les chiens...). Il a été replacé et n’a jamais mordu ensuite. Le vice, la méchanceté, la cruauté ne sont pas des notions applicables à certaines races plus d’à d’autres, ni même à aucun chien d’ailleurs. Un chien n’a pas « l’intention » de mordre. Il mord parce qu’il n’est pas à l’aise à un instant T et ne voit aucune autre issue à la situation. Évitez ces situations dérangeantes pour votre animal et vous serez quasiment assuré que la cohabitation se passera sans heurt.


Elsa Weiss / Cynopolis

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