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J’ai découvert l’humain

Quand je suis devenue éducatrice canin, j’ai découvert l’humain.


J’ai découvert l’humain dans ce qu’il a de plus beau : je me souviens de cette jeune femme qui avait versé des larmes de joie quand je lui avais expliqué qu’elle n’avait pas besoin de « dominer » son chien. Je me souviens de cet homme qui m’avait raconté, le regard brillant, comment un éducateur avait malmené son chien, et à quel point ça lui avait crevé le cœur. Je me souviens des regards émerveillés de tous ces humains à qui j’ai appris à enseigner un nouveau comportement à leur chien, et qui ont pris goût à ces apprentissages au point de devenir de meilleurs enseignants que moi pour leur compagnon.


Et puis, j’ai découvert l’autre camp : ceux qui rêvaient d’éteindre l’étincelle qui brillait dans les yeux de leur chien. Ceux qui prenaient plaisir à observer la crainte dans son regard, à le voir ramper vers eux. Ceux qui n’avaient pas plus de respect pour leur chien que pour une serpillère. Ceux qui jouissaient de la soumission de l’autre. Je me souviens de cet homme qui était tellement dur avec son chien que ce dernier avait fini par le mordre violemment au point de l’envoyer aux urgences. Je devais récupérer ce chien, mais l’humain mordu a préféré l’euthanasie. Une vie canine misérable sous emprise jusqu’à la toute fin.


Quand on côtoie les chiens chaque jour qui passe, pendant des années, on est sans cesse émerveillé. Les chiens sont un lien précieux entre la nature et nous. Si l’on prend le temps de les écouter, on se rend compte qu’ils ont mille et une choses à nous enseigner. Chaque clignement de paupière, chaque palpitation de truffe, chaque soupir et chaque frémissement de peau est porteur de message. Les capacités cognitives et sociales des chiens sont infinies. Ils peuvent tout apprendre ou presque, si l’on prend le temps de leur expliquer ce que l’on attend d’eux.


Mais, au fil du temps, certains humains ont oublié. Oublié que le chien n’est pas si différent d’eux. Oublié qu’en des temps lointains, ils dormaient près de leur compagnon pour se protéger du froid, leurs souffles entremêlés dans le froid de la caverne. Oublié que les grondements et la terrible dentition des canidés les protégeaient contre les intrusions. Oublié qu’ils chassaient à leurs côtés, vêtus de peaux animales, pas si dissemblables finalement. Ceux qui ont oublié ne cherchent pas à comprendre le chien. Ils cherchent une victime qui subira par leur biais toutes leurs frustrations. Ils cherchent un faire-valoir, un animal dompté par la force, qui montrera combien ils sont inflexibles et combien l’empathie leur est inconnue. Ils ont oublié, et ils se sont perdus en chemin.


C’est grâce aux personnes de la première catégorie que j’exerce encore aujourd’hui. Il me reste un peu de ma foi en l’être humain, mais elle est ébranlée à chaque fois que je sais qu’un chien souffre pour satisfaire l’ego de l’homme. Il y a des jours où j’aimerais revenir à cette époque où, toi et moi, nous dormions dos à dos dans le froid de la nuit, où nous chassions côte à côte et veillions ensemble à la sécurité du campement. J’aimerais revenir en ces temps pour te dire, chien, de t’en aller, de retourner à la vie sauvage, de ne pas faire confiance aux bipèdes. Si j’avais su qu’ils te trahiraient, je te jetterais des pierres jusqu’à ce que tu t’enfuies, le regard plein d’incompréhension, et que tu disparaisses dans la nuit. J’aimerais, pour ton bien, que tu renonces à la chaleur du feu et au confort d’une nourriture facile. Il serait plus sage, chien, que tu retrouves tes cousins sauvages et que tu ne deviennes jamais celui que l’on appellerait, ironiquement, le meilleur ami de l’homme.


Elsa Weiss / Cynopolis

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