Il y a encore quelques années, j’aurais été la première à défendre l’idée selon laquelle il faut « laisser les chiens se débrouiller entre eux ». Je pensais qu’ils étaient les mieux lotis pour communiquer entre eux et que l’intervention humaine dans une interaction canine était presque toujours néfaste. Sauf qu’il manquait de nombreux éléments dans mon équation, notamment le fait que les chiens sont des animaux domestiqués et que la sélection artificielle a impacté parfois négativement leur façon de communiquer, que nos chiens sont souvent forcés de se rencontrer sans forcément en avoir envie, que croiser trente fois par jour des individus ne faisant pas partie de son groupe social n’a rien de « naturel » pour un canidé (je mets le terme « naturel » entre guillemets car je le trouve mal approprié en ce qui concerne une espèce domestique, mais je n’ai pas trouvé mieux là tout de suite), etc.
Si je continue de penser que l’intervention humaine est délétère dans certaines situations (par exemple, quand deux chiens inconnus se reniflent, il y a souvent une tension entre les deux protagonistes même s’ils sont bien codés, et mettre les pieds dans le plat en se mêlant de la rencontre peut facilement faire dégénérer les salutations), je n’affirmerai plus aujourd’hui qu’il faut toujours « laisser faire » et ne jamais aider les chiens dans leurs interactions.
Il y a des chiens qui ne sont pas capables de dire « non » à d’autres.
Il y a des chiens qui harcèlent d’autres individus.
Il y a des chiens qui imposent le jeu à d’autres.
Il y a des chiens craintifs qui peuvent s’enfuir quand un grand chien leur fonce dessus.
Il y a des chiens qui ne savent pas bien se gérer émotionnellement et qui montent en pression facilement.
Il y a des chiens qui présentent des patrons-moteur de traque ou de fixation et qui peuvent mettre les autres mal à l’aise.
Il y a des individus qui se comprennent mal, parce qu’ils sont très dissemblables physiquement.
Etc.
Dans la plupart des cas, on peut laisser les chiens discuter entre eux, parfois même quand la discussion est un peu tendue. Mais il y a des situations où il est indispensable d’intervenir : quand un individu subit le jeu, quand un conflit ne s’arrête pas spontanément au bout de quelques secondes, quand un individu cherche à se soustraire à un autre sans y arriver, quand l’un des chiens ne veut pas prendre en compte les signaux de communication de l’autre, etc.
Alors, la prochaine fois que Jean-Michel, 65 ans, qui a toujours eu des chiens et dont l’oncle par alliance a été maître-chien dans l’armée, vous prodigue son précieux conseil « Mais ma p’tite dame, faut les laisser faire, ils vont se débrouiller ! », respirez un bon coup, observez bien l’état émotionnel apparent de votre chien et du sien, et n’ayez pas peur de fuir si vous sentez que la rencontre pourrait mal tourner. Parce que si votre chien a le malheur de lever une babine, Jean-Michel pourrait en plus accuser votre chien d’être mal éduqué 😁 !
Elsa Weiss / Cynopolis
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