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Photo du rédacteurCynopolis Elsa Weiss

La réactivité aux congénères

La réactivité aux congénères se rencontre fréquemment chez nos chiens domestiques. La réactivité, que nous devrions nommer « hyper-réactivité » ou même agressivité, pour être tout à fait juste -car il est normal qu'un chien réagisse à la vue d'un congénère, c'est l'excès qui pose problème- consiste pour un individu canin à présenter des comportements d'agression en apparence démesurés à l'approche d'un autre chien. L'individu agresseur peut aboyer, charger, découvrir les crocs, claquer des mâchoires, voire foncer sur le chien d'en face et le mordre s'il est en liberté. La réactivité congénères fait souvent beaucoup de bruit, le but initial de l'individu étant la mise à distance de celui qu'il considère comme un intrus. Si la tactique adoptée n'est pas opérante, c'est à dire si le chien agresseur n'est pas écouté, il peut, au fil du temps, choisir de passer à l'offensive et d'aller agresser ses congénères sans les prévenir, puisque la technique du « bluff » n'aura pas fonctionné. La prédation sur petits chiens n'est pas considérée comme de la réactivité. Elle est silencieuse, et a pour but de tuer, donc de réduire la distance entre le protagoniste et sa proie. Les comportements de réactivité, eux, visent initialement à mettre à distance l'individu d'en face.


Certaines races ont davantage tendance que d'autres à présenter de la réactivité congénères à partir de la puberté ou un peu plus tard, souvent avant deux ans. Nous pouvons citer les races sélectionnées initialement pour le combat de chiens, et qui peuvent présenter des déficiences dans leur mode de communication intraspécifique : certaines lignées d'Amstaffs ou de Staffies, par exemple. Beaucoup de bergers présentent aussi des comportements de réactivité dûs à leur hypersensibilité à l'environnement. Mais, bien entendu, il existe des bergers ou des terriers de type Bull très sociables et bon communicants (j'ai la chance de partager ma vie avec un Staff très doué pour la communication avec ses congénères). Une socialisation de qualité entreprise dès le plus jeune âge peut permettre de se prémunir contre certains comportements agressifs, mais elle ne changera pas un chien sensible en un individu placide, ni un chien excitable en un gros toutou tranquille. Certains chiens, même très bien socialisés étant chiots, peuvent se montrer agressifs envers leurs congénères une fois adultes. La génétique et les expériences vécues après la période de socialisation primaire impactent également leur comportement en présence d'autres chiens.


Les comportements de réactivité apparaissent généralement à partir de la puberté. Bien souvent, les propriétaires ne comprennent pas ce revirement de situation soudain, et mettent la réactivité de leur chien sur le compte d'une agression subie par un autre chien. Bien entendu, une agression incomprise peut provoquer de la réactivité chez l'individu pris pour cible, mais bien souvent, la cause de ce changement est simplement le passage à l'âge adulte, avec le bouleversement hormonal qu'il implique, l'activation de gènes agissant « à retardement », et le comportement des autres chiens qui change face à l'individu qui devient adulte -le «laisser-passer » du chiot n'est plus de mise, et le jeune chien, surtout le jeune mâle entier, peut être mis au pas par les adultes, parfois sévèrement.


Il est intéressant de noter que la frontière entre comportement normal et réactivité est assez floue et subjective. La définition de la réactivité dépend souvent de la perception qu'en a le propriétaire de l'animal. Pour certains, aboyer en bout de laisse est déjà de la réactivité ; pour d'autres, ce comportement n'a rien d'anormal.


Il serait pertinent de se demander si une race sélectionnée initialement pour le combat de chiens, même si elle n'a plus combattu depuis des générations, et qu'on a « créée » pour avoir un mode de communication tronqué, avec absence de prise en compte des postures d'apaisement d'autrui (quel intérêt pour un chien de combat qui doit tuer son adversaire ?) peut être considérée comme réactive alors même que c'est un trait de comportement qu'on a volontairement sélectionné chez elle ? De la même façon, quand on sait que les canidés sociaux ne cohabitent pas avec d'autres groupes dans la nature, peut-on considérer qu'un chien qui aboie sur des congénères extérieurs à son groupe social a un comportement anormal ?


D'autre part, un chien, placé entre des mains différentes, ne présentera pas toujours le même comportement. Un chien tenu en laisse courte par un humain ayant peur des contacts canins et qui adopte involontairement des comportements favorisant l'agressivité de l'animal, pourra se montrer beaucoup plus détendu en longe de dix mètres, avec une personne ne redoutant pas les rencontres canines. Ici, je grossis un peu le trait, et je ne cherche absolument pas à jeter la pierre aux personnes qui stressent parce qu'elles ont du mal à gérer leur chien. Vivre avec un chien réactif est compliqué, et certains toutous, même avec une personne plus détendue et en longe, se montreront agressifs. Il s'agit juste d'exemples, certes un peu caricaturaux, visant à expliquer que la notion de réactivité est toute relative.


Finalement, la sélection initialement opérée sur les races dans un but particulier, et aujourd'hui pour l'esthétique plus que pour la stabilité du comportement, n'est-elle pas en partie responsable de la réactivité de nos chiens ? L'environnement dans lequel nous contraignons nos canidés à vivre, alors qu'ils ne sont pas forcément câblés pour croiser des congénères à chaque coin de rue, ne contribue-t-il pas à entretenir leur réactivité ? Notre attitude envers eux, nos propres peurs, notre crainte d'une rencontre qui pourrait mal se passer, ne font-elles pas partie des nombreuses causes à la réactivité de nos compagnons ? Aujourd'hui, le chien va mal, il n'est pas en connivence avec notre environnement humain limitant et et il le manifeste notamment par des comportements d'agression. Une approche systémique du problème peut permettre de lui proposer un environnement plus adapté et d'éviter de le placer en situation de stress en permanence, afin de limiter l'apparition de comportements offensifs.


Elsa Weiss / Cynopolis Formations

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