Hier, je discutais avec une éleveuse de Spitz, qui me confiait que depuis un certain temps maintenant, elle n’avait plus envie de vendre de chiots. Ses potentiels acheteurs ne la contactaient plus que pour avoir le chiot le plus minuscule possible, ou celui à la couleur la plus exotique. Sans être étonnée, j’ai été peinée d’entendre ce discours qui reflète ce que j’observe depuis longtemps dans le monde du chien : on ne sait plus vraiment pourquoi on veut un chien. On cherche un accessoire de mode, une décoration de jardin ou un substitut d’enfant en attendant d’en avoir un vrai. Mais pourquoi un chien, précisément ? Je crois bien qu’on l’a oublié.
Quand j’étais enfant, je rêvais d’avoir un chien pour pouvoir partager toutes mes aventures avec lui, pour qu’il m’accompagne dans mes péripéties à travers le quartier avec mes amies, pour que l’on parte en exploration pendant des heures le long du canal de Reims. J’ai eu mon premier chien à l’âge de quinze ans, et j’ai pu réaliser mon rêve d’explorer les alentours de ma ville accompagnée d’un ami canin. Vingt-quatre ans plus tard, j’ai trois chiens et je partage toujours cette vie avec eux. Grâce à eux, j’ai exploré tous les alentours de ma petite commune. J’ai découvert des endroits magnifiques. Je les emmène avec moi partout où je le peux, tant que cela reste confortable pour eux. Nous aimons tous les quatre les grands espaces, et le contact avec la nature nous est indispensable. Nous ne faisons pas toujours de longues randonnées : parfois, au lieu de lire un livre chez moi, ou de rédiger un article à la maison, je trouve un verger tranquille, je m’adosse à un arbre et je vaque à mes occupations pendant que mes chiens reniflent les alentours ou cherchent des friandises dans l’herbe. Ce sont des moments précieux. Pendant ces instants de paix où nous avons l’impression d’être seuls au monde, le fait que mes chiens ne soient pas de pure race, qu’ils ne soient pas d’une couleur rare ou qu’ils n’aient pas les yeux hétérochromes ne m’importe aucunement. Ce sont des individus avant d’être un physique. Et même le corniaud à l’aspect le plus ingrat s’avère être le meilleur ami du monde quand il s’agit de faire ce que tout chien aime : battre la campagne à la recherche d’horizons nouveaux et d’odeurs passionnantes.
Je crois qu’aujourd’hui, l’homme a oublié pourquoi il aime les chiens. Il veut un Malinois ou un Staff pour jouer les durs, il veut un Border pour se donner des airs de campagnard alors qu’il préfère pianoter sur son ordinateur plutôt que d’aller se promener avec lui. Il veut un Husky pour sa tête de loup et ses beaux yeux bleus, mais il ne le sort que pour faire le tour du quartier et il lui met un collier anti-fugue pour qu’il cesse de s’échapper du jardin. Il veut un Bouledogue Français « exotique » pour ne pas avoir le même que les autres, mais il ne l’emmène jamais dehors. Je comprends cette éleveuse qui ne veut plus vendre de chiots. La plupart des chiots, quand ils arrivent dans une nouvelle famille, prennent une peine à perpétuité. Ils connaîtront peut-être l’extérieur la première année, quand leur famille sera encore assez motivée pour combler leurs besoins. Puis ils seront relégués au second plan, parce que le temps manque, parce qu’un bébé arrive, parce qu’ils tirent trop en laisse. Mais après tout, ce n’est pas grave : ils restent beaux, c’est tout ce qui compte.
Nous avons longtemps aimé les chiens parce qu’ils représentaient un lien entre le monde sauvage et nous. Les chiens nous rappelaient notre animalité. À l’heure des écrans et de la sédentarité, nous avons oublié pourquoi ils comptaient tant pour nous. Nous choisissons un magnifique chien-loup aux yeux verts et à la robe chocolat parce que cela donne de superbes photos sur Instagram. Nous oublions qu’un physique est avant tout un être vivant, avec une personnalité qui lui est propre et un besoin viscéral de connexion avec la terre.
Alors, tant que vous le pouvez, essayez d’offrir à votre chien des sorties dans la nature. Laissez-le se rouler dans la boue, creuser des trous dans le sol, se baigner dans les flaques, riez devant ses zoomies, et peu importe s’il sent un peu le fauve en rentrant à la maison. Ces moments précieux vous rappelleront pourquoi vous avez pris un chien. Parce que tout chien, qu’il soit beau, laid, merle, bleu, aux yeux vairons, au poil dur ou soyeux, chérit ces moments au grand air avec vous plus qu’il ne chérirait le plus bel os du monde.
Elsa Weiss / Cynopolis Formations
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