Je préfère vous l’annoncer tout de suite, c’est une réponse de Normand que j’apporterai à cette question. Comme souvent quand on a affaire à du vivant, il est délicat de répondre par un « oui » ou un « non » franc à une interrogation. Non, il n’est pas nécessaire d’interrompre TOUS les conflits. Mais OUI, il est indispensable d’intervenir quand cela risque d’aller trop loin. Malheureusement, il peut être difficile pour beaucoup de propriétaires de chiens de différencier une querelle bruyante mais sans conséquence entre deux toutous, d’une bagarre qui risque de dégénérer. L’expérience de terrain nous permet d’avoir l’œil pour ce genre de chose, et d’être capable d’évaluer le degré de dangerosité d’une situation conflictuelle entre deux chiens, mais si l’on n’a jamais eu l’occasion d’assister à des bagarres de chiens, il n’est pas évident de faire la part des choses.
Pour commencer, je rappelle que les chiens sont des animaux sociaux, qui par définition, sont capables, pour la plupart, de vivre ensemble. Je ne dis pas là qu’ils devraient tolérer tous leurs congénères, aimer tout le monde, et avoir envie de jouer avec des copains toute la journée. Beaucoup de chiens n’ont pas spécialement envie d’interagir avec des individus extérieurs à leur groupe social. En revanche, quand je parle de « vivre ensemble », j’entends par là que les chiens communiquent beaucoup entre eux, contrairement à d’autres espèces plus solitaires, et cette communication leur permet d’éviter les conflits et de protéger leur intégrité physique et celle de leurs congénères. Et, même quand un conflit éclate, dans la majorité des cas, il fait beaucoup de bruit mais ne blesse personne (à part un petit poinçon à l’oreille ou une égratignure sans conséquence sur le museau). Généralement, l’un des deux protagonistes finit par adopter une posture destinée à interrompre le conflit : il se met souvent sur le dos, mais pas toujours, cependant il adopte toujours une posture basse. Cela ne signifie pas qu’il est « soumis », mais juste qu’il communique comme un chien normal, et qu’il souhaite mettre un terme à l’escalade agressive.
Quand j’assiste à une querelle entre chiens, si les deux protagonistes sont stables et que l’environnement n’est pas propice à ce que la situation dégénère (présence d’autres chiens, présence des propriétaires qui crient ou interfèrent dans la bagarre, grosse différence de gabarit, etc), je les laisse s’expliquer. Une bagarre « saine » (car oui, un conflit peut être sain ! Se disputer permet de mettre certaines choses au clair, chez l’humain comme chez le chien) ne dure pas plus de quelques secondes, et même rarement plus de dix. Même si cela peut sembler une éternité ! Se battre est un comportement naturel, et nos chiens n’ont pas la possibilité de s’exprimer leurs désaccords en s’installant autour d’une table.
Attention cependant : quand c’est possible, il est toujours préférable d’essayer d’éviter les situations conflictuelles. Certains chiens peuvent se renforcer dans le fait de se battre (vive l’adrénaline !), ou apprendre aux dépends des autres que se battre peut être une stratégie payante, surtout quand on est physiquement plus fort. Un conflit occasionnel peut être sain ; en revanche, si l’animal se bat pour un oui ou pour un non, même s’il n’inflige pas de blessures, c’est un problème.
Si j’assiste à une bagarre qui me semble durer un peu trop longtemps, s’il y a plusieurs chiens autour des protagonistes, si l’un des deux ne semble pas adopter de signal d’arrêt ou ne respecte pas celui du chien avec lequel il se querelle, j’interviens sans tarder. Comment ? Tout dépend de ce que j’ai à ma disposition pour arrêter le conflit. Un objet jeté à côté ou au milieu des deux chiens peut suffire (rarement). Un cri, fort, peut aider (rarement). Sinon, attraper les pattes arrière du chien qui ne veut pas s’arrêter, et le soulever du sol de manière à ce qu’il perde légèrement l’équilibre, fonctionne généralement bien, sauf si l’individu d’en face ne se rend pas compte qu’il est libre et revient à la charge. Dans l’idéal, il faudrait être deux… Et surtout, attention à vos mains, mais le vieil adage qui dit qu’il ne faut jamais mettre les mains dans une bagarre de chiens n’est pas toujours très réaliste. Bien sûr, quand il s’agit de séparer une bagarre de chiens déjà bien entamée, impossible d’employer le renforcement positif. Vous me connaissez, je défends ardemment l’éducation positive, cependant 1) Éducation positive ne signifie pas que l’on n’emploie QUE le renforcement positif au quotidien ; 2) Quand la sécurité d’un chien est en jeu, on agit, et avec les grands moyens s’il le faut. Parce qu’un chien troué de partout, ça n’a rien de positif pour le coup, dans tous les sens du terme.
Un simple post Facebook est un format bien trop court pour évoquer le vaste sujet des bagarres entre chiens. Le sujet est complexe, et il est difficile de faire des généralités à son propos. Dans tous les cas, si vous avez peur des conflits canins, dites-vous qu’il est relativement rare que des bagarres de chiens explosent lors de la promenade quotidienne de Toutou : quand ils n’ont pas grand-chose à se revendiquer, et d’autant plus s’ils sont en mouvement, les chiens préfèrent amplement renifler leurs congénères et passer leur chemin que déclencher un conflit qui les mettrait eux-mêmes en danger. Bien souvent, c’est nous, humains, qui mettons nos chiens en difficulté lors d’une rencontre. Et nous mettre un peu de côté pour les laisser s’exprimer, tout en gardant un œil sur la rencontre sans sur-interpréter ce qui s’y passe, est souvent bénéfique… pour les deux parties.
(Sur la photo d’illustration, il s’agit de jeu… Je dégaine rarement mon appareil photo en cas de bagarre de chiens 😉 !)
Elsa Weiss / Cynopolis
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