Encore aujourd’hui, beaucoup de propriétaires de chiens pensent qu’éduquer leur compagnon, c’est le féliciter quand il fait bien (et encore, beaucoup sont avares de félicitations) et lui dire « non » pour l’empêcher de faire ce qui n’est pas souhaité (souvent des comportements parfaitement naturels pour le chien, d’ailleurs). En général, le taux de « non » produits à la journée est bien supérieur au taux de félicitations, et le chien finit pas fermer ses écoutilles lorsque retentit ce son qui ne veut plus rien dire pour lui.
SPOILER ALERT : ce post n’a pas pour vocation de dénigrer le « non » dans l’éducation d’un chien, mais plutôt son utilisation abusive et parfaitement arbitraire, puisque le « non » est souvent employé pour empêcher le chien de faire « un truc de chien normal », comme renifler le derrière d’un pote, lécher un pipi (oui oui, ça nous semble crado, mais pour un chien qui perçoit le monde en partie avec son organe voméro-nasal, c’est important), ou encore aboyer sur un congénère qui passe.
Je ne suis pas opposée au « non ». Je l’emploie très très peu cependant, non pas parce que je suis contre, mais plutôt parce que je pense que plus on avance dans la connaissance des sciences de l’apprentissage, plus on a tendance à favoriser les comportements que l’on souhaite voir se reproduire, et moins on a besoin d’interrompre ceux qui nous « gênent ». De même, plus on connaît les besoins d’un animal, plus on comprend à quel point on le contraint en permanence alors qu’il ne fait qu’exprimer des comportements normaux de son espèce. Cependant, le « non » me sert parfois : la plupart du temps, je l’utilise sans réfléchir, un peu par réflexe, et je pourrais aisément le remplacer par autre chose. La dernière fois que je l’ai employé, c’est parce que Sirius était parti à gauche alors que je lui avais demandé d’aller me chercher les moutons par la droite : je l’ai interrompu avec un « non », suivi d’un « viens », et d’un envoi sur la droite. Il a tout de suite interrompu son comportement, comme quoi le « non » peut parfois être utile. J’aurais pu cependant le remplacer par un « stop », qui est plus intéressant car il correspond à une action. Le « non », lui, signifie juste qu’il faut interrompre l’action en cours, mais il n’indique pas au chien ce qu’il doit faire à la place.
Quand vous dites « non » à votre chien, assurez-vous de faire suivre ce mot d’une indication sur le comportement à adopter à la place. Par exemple, si Taïga, trois mois, ronge les pieds de la table du salon, il sera bien plus productif de lui dire « non », et de réorienter son besoin de mâchouiller (car c’est un besoin, non une volonté de vous contrarier) sur une friandise à mâcher. Si Charlie, que vous promenez en liberté au parc, regarde un congénère avec insistance, mieux vaut lui dire « non », suivi d’un « viens » enthousiaste, plutôt que de simplement lui interdire d’y aller sans lui indiquer quoi faire à la place.
Je vous conseille aussi de ne pas mettre d’émotion dans votre « non ». Plutôt qu’une punition, ce dernier devrait être perçu comme un « no reward marker », un marqueur qui sert à indiquer à l’animal que son comportement ne « paie » pas, et qu’il est plus intéressant pour lui d’opter pour un autre. Le « no reward marker » est employé dans le travail au clicker, et il indique à l’animal, d’une façon totalement neutre, sans stress, qu’il n’est pas sur la bonne voie mais qu’il sera récompensé s’il propose autre chose. Le chien est immédiatement aidé s’il ne sait pas ce qu’il doit faire, l’objectif n’étant pas de le laisser dans l’erreur et la confusion. Un « non » ne devrait jamais être associé à une sanction, qu’il s’agisse d’un éclat de voix ou d’une tape. Le « non » signifie juste au chien que CE comportement ne paie pas, et qu’on va immédiatement le détourner sur un autre qui lui sera au moins aussi profitable.
Si, à mes yeux, l’emploi du « non » mériterait d’être dédiabolisé (d’ailleurs, en éducation dite « positive », personne n’a jamais affirmé qu’il ne fallait pas l’employer. Ce sont principalement les détracteurs de l’éducation bienveillante, mais aussi ceux qui ne l’ont pas comprise, qui pensent qu’on ne doit absolument pas l’utiliser), il faudrait surtout arrêter d’en faire un emploi abusif, et de soûler son chien de « non » qui ne sont plus pour ses oreilles qu’un bruit désagréable. De même, un chiot n’est pas capable de comprendre spontanément ce que veut dire « non », et cet enseignement nécessite un apprentissage. Le « non » ne devrait pas être une façon d’exprimer à son chien que l’on est fâché, ce qui n’a pas de sens pour lui. Et puis, plus vous avancerez dans votre connaissance du chien et du fonctionnement cognitif des animaux en règle générale, plus vous vous rendrez compte que l’usage du « non » est accessoire.
Le jour où vous réaliserez que vous ne l’avez pas prononcé depuis plusieurs jours, vous saurez alors que vous aurez fait un grand pas en avant dans l’éducation de votre ami canin.
Elsa Weiss / Cynopolis
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